Témoignage de Joseph Corgnet sur la vie à St Sébastien pendant la Guerre

Témoignage de Joseph Corgnet sur la vie à St Sébastien pendant la Grande Guerre de 39 – 45
Photo Joseph Corgnet

Mon histoire est celle de beaucoup d’hommes mais nombreux sont ceux qui ont beaucoup plus souffert encore…J’ai été mobilisé au début des hostilités, puis direction l’Autriche où je fus prisonnier…Bûcheron dans un commando forestier, je travaillais dur et ne mangeais pas toujours à ma faim…J’ys suis resté jusqu’à la fin de la Guerre. Puis je suis rentré au pays, heureux de retrouver Marie, la famille, La Fontaine, les copains… ET LA CAMBRO !

« Vingt et un an après la fin de la Première Guerre Mondiale, ce sont la Grande Bretagne et la France qui déclarent la guerre à l’Allemagne. La population est résignée. De tous les clochers de France sonne alors l’heure de la mobilisation.

« Des militaires anglais séjournent à Saint-Sébastien jusqu’en février 1940. Bien sûr, notre commune n’est pas un terrain de combat, mais la guerre hante tous les esprits.

« L’Armée impose des restrictions en réquisitionnant les camionettes des maraîchers, les chevaux, les bovins, le foin. Les hommes jeunes, forts et travailleurs, sont absents: ni les femmes, ni les enfants, ni les vieillards ne peuvent les remplacer au travail. Peu à peu, la production agricole diminue et certaines denrées de première nécessité arrivent à manquer. De plus, les civils fuient les villes bombardées lors des offensives allemandes. Ainsi, Saint Sébastien voit arriver tous ces réfugiés: de Saint-Nazaire d’abord, puis de Lorient en 1943. Il faut organiser leur accueil, ce qui engendre des difficultés supplémentaires.

« Le 18 juin 1940, Nantes tombe aux mains des Allemands. A partir du 18 juillet, ils occupent Saint-Sébastien et ceci pendant quatre années. Des officiers et des hommes de troupe allemands logent à la Croix Blanche. La Kommandatur s’installe à la Mairie et, dès son arrivée, elle impose sa loi et se charge de faire exécuter les ordres donnés. Les habitants doivent se conformer à l’heure allemande; il leur est interdit de stocker des denrées alimentaires; les cafés doivent fermer leurs portes entre 9 heures du soir et 6 heures du matin.

« Les difficultés d’approvisionnement engendrent le rationnement: des cartes d’alimentation obligent les femmes à patienter devant les boutiques où s’étirent de longues files d’attente. Le charbon est vendu sur présentation de cartes spéciales, insuffisantes pour l’ensemble de la population.

« La pénurie incite au marché noir. Une certaine délinquance apparaît. La tristesse, la peur et la misère règnent.

« Qui n’a pas, parmi les siens, un frère un époux, un copain prisonnier ou sous le joug des Allemands, dont on est, pendant de longs mois, sans nouvelles ? L’angoisse et la peur hantent les esprits ! Parfois, les relations entre les habitants deviennent difficiles :  les rumeurs, les soupçons de la collaboration avec l’occupant et la suspicion créent une atmosphère de méfiance et de doute.

« Malgré ces difficultés, une préoccupation réunit l’ensemble des Sébastiennais : le sort des 150 prisonniers de la commune. On se mobilise pour leur venir en aide. Toutes les associations s’organisent pour récolter des fonds, permettant ainsi l’expédition des colis tant appréciés par ceux à qui tout manque: du chocolat, des biscuits, des conserves diverses, des cigarettes et des bouteilles de sirop des Vosges, remplies d’une eau-de-vie qui réchauffe les corps et les cœurs…

« Pendant les hivers sombrent des ces années de guerre, le théâtre permet à la population de se divertir. De plus, la salle de La Providence, bien chauffée, attire un public très nombreux. Ainsi, au Patronage, en 1940, 1941, 1942, trois pièces de théâtre sont jouées: « Fatima », « Le Petit Lord » et « Gai, marrions-nous ! » N’étant pas mobilisés, les instituteurs (particulièrement Monsieur Douaud, directeur de l’école Sainte-Thérèse), et les professeurs aident à la mise en scène.

« Arrive l’été 44, la période la plus difficile.

« Depuis 1943, les bombardements aériens anglais et américains se multiplient. Nantes est bombardée à plusieurs reprises en septembre 43. La répétition de ces attaques aériennes oblige la Préfecture à organiser le repli des enfants et des vieillards à la campagne : notamment à Boussay, dans la Loire-Inférieure et à la Chaussaire, dans le Maine et Loire (pour les écoles).

« Les craintes se révèlent justifiées. Les 7 et 8 juin 1944, Saint-Sébastien et, en priorité, le Pont de la Vendée sont bombardés. Il y a quinze victimes, dont le nouveau vicaire, arrivé le jour même, et la bonne de Monsieur le Curé. Les dégâts matériel sont très importants :  l’école Sainte-Thérèse totalement incendiée, l’église, l’école Notre-Dame de Toutes-Grâces et la cure en partie détruites ; la toiture de la salle de La Providence (salle de théâtre actuelle) a, elle aussi, beaucoup souffert. Un grand sinistre pour la paroisse. »


L’église et l’école (des filles) Notre-Dame de Toutes-Grâces après les bombardements du 7 juin 1944

« Le bourg est devenu inhabitable. Quatre foyers seulement s’obstinent à demeurer sous les toits troués. » Archives Paroissiales, 1909-1961

« Le 29 août , les Allemands quittent la commune et Saint -Sébastien est libérée. »