Récit Joseph Rivet Championnat international à Paris

Témoignage J. Rivet - Championnat de France 1937

« 1937. Mon premier Championnat international à Paris. J’avais 16 ans, c’était ma première année dans l’équipe des Adultes, quelle joie ! Aller à Paris pour la première fois en train, du délire pour un premier grand déplacement. Il ne fallait pas manquer les entraînements pour avoir sa place dans l’équipe du Championnat. Le moniteur Maurice Lachiche, aidé d’anciens gymnastes, veillait à ce que tout soit bien préparé pour cet événement.

« A Paris, je découvre la grande capitale ; en descendant du train, on prend le métro qui nous conduit au lieu d’hébergement : les Halles de la Foire de Paris à la Porte de Versailles. Un grand hall, des bottes de paille qu’il nous fallait délier pour installer notre couchage. Des allées étaient tracées et chaque Société avait son petit carré pour la nuit, et chacun de nous une couverture pour s’enrouler dedans. Voilà pour l’hébergement. Nous étions en juillet, il faisait chaud. La salle d’eau ? des grands tuyaux perforés où l’eau coulait en abondance pour une toilette plutôt rapide. La chambre à coucher pour plusieurs milliers de personnes, c’était spectaculaire mais pas facile de dormir, les Sociétés arrivant à toute heure de la nuit. Mais j’ai gardé un bon souvenir de cette vie dans ce grand « château ».

« Le samedi matin, la compétition avait lieu au Parc des Princes. Nous avons matché avec les plus grands patros de ce temps là : Avant-Garde de Saint Denis, Nicolaïte de Chaillot, Flèche de Bordeaux, Laetitia de Nantes, René II de Nancy, Bourbaki de Pau, Avant-Garde de Saint-Etienne.

« Nous étions loin des places d’honneur, mais y participer était l’occasion de se mesurer avec les grands clubs. Fiers d’avoir été admis à ce Championnat ; nous étions heureux !

« Pas pour longtemps. Après le match, nous sommes retournés à notre hébergement. Dans le hall tout proche destiné à la restauration, quelle ne fut pas notre surprise d’apprendre que les restaurateurs et les traiteurs étaient en grève. La grande pagaille ! Quand on sait qu’il y avait 25000 gymnastes, 6000 musiciens et 2000 sportifs étrangers. Ces Championnats internationaux rassemblaient les gymnastes Belges, Hollandais, Allemands, Suisses, Tchèques, Roumains, Yougoslaves, Italiens. Une honte pour une telle manifestation, un scandale !

« Les responsables des Patros Parisiens mobilisèrent leurs gyms et servirent, tant bien que mal ou plutôt mal que bien, toute cette jeunesse qui venait déjeuner.

« Notre moniteur Maurice Lachiche, connaissant bien Paris, proposa à l’Abbé Pineau, notre Directeur et à Pierre Leveau, notre Président, de prendre des taxis et de se diriger vers une boucherie qu’il connaissait bien pensant trouver rapidement des restaurants. A sa stupéfaction, les restaurants qui employaient du personnel étaient bien fermés : c’était la grève. Il fallut chercher des petits restos dont les patrons travaillaient seuls, sans employés. Avec beaucoup de patience, nous avons déjeuné vers les 17h, avec un menu fait de conserves. Notre enthousiasme pour Paris était tombé et nous en avons gardé un triste souvenir.

« Pour nous réconforter, nos dirigeants nous firent visiter Paris : l’Exposition Universelle, l’Arc de triomphe, la Tour Eiffel, Notre-Dame.

« Les Patros parisiens, mobilisés pour la Fédé, assurèrent la restauration du samedi soir et les repas du dimanche. Mais, pour les Sociétés étrangères venues voir Paris, quelle pagaille !

« Une deuxième déception nous attendait et elle était de taille celle-là. Le Ministère de la Guerre (le Front Populaire était au pouvoir) interdisait pour le dimanche, le défilé des Sociétés (900 sections avec les Sociétés étrangères) de l’Arc de Triomphe aux terrains de Concours. La Fédération des Patros était alors privée d’un excellent moyen de propagande en faveur des fêtes de l’après-midi. C’était aussi refuser à ces milliers de jeunes français, le droit de s’incliner devant le tombeau du Soldat Inconnu. On ne savait pas, bien sûr, que deux ans après, beaucoup de jeunes auraient à renouveler le suprême sacrifice, avec la guerre. Le départ du défilé eut lieu près du stade pour permettre de rentrer en bon ordre pour le Festival.

« De ces Championnats internationaux, j’ai gardé des souvenirs inoubliables : c’était ma première participation à un Championnat fédéral, notre section Cambro défila derrière son drapeau porté par un militaire en permission du nom de Joseph Corgnet. 

« Nous n’avons jamais revu de telles manifestations aussi grandioses. Je n’oublierai jamais de tels souvenirs !. »

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